Des Egyptiens que j’ai rencontrés à Paris, Georges Moustaki, un moine sur une moto (7)

jeudi 16/septembre/2021 - 09:20

Les Causeries du vendredi à Paris

J’ai été particulièrement étonné par le calme et la sérénité dans la personnalité du chanteur français d’origine alexandrine Georges Moustaki. Georges laissait derrière lui sa voix qu’on entendait à peine lorsqu’il parlait, avec sa longue barbe blanche, lui qui adorait la vie et la beauté féminine, le voyage, la poésie et les motos les plus modernes. Le plus étrange était qu’avec toute cet appétit caché croquer la vie, il mangeait peu au point de jeûner de façon permanente, ce qui pourrait expliquer sa grande maigreur.

Georges Moustaki a laissé la librairie de sa famille Mahatet al-Raml à Alexandrie, pour partir en France. A Paris, il rencontre un autre Egyptien, Georges Guétary, qui était un chanteur d’opérette au faîte de sa gloire. Ils étaient tous deux originaires d’Alexandrie. Et lorsque Guétary présenta Moustaki à la légendaire Edith Piaf, il fut séduit par elle dès le premier regard . Ainsi, il composa pour elle une de ses plus célèbres chansons « milord ».

Lorsqu’il chanta sa fameuse chanson Le Métèque, elle connut un succès foudroyant dans tout le bassin méditerranéen et dans les Amériques. Ensuite il chanta pour Alexandrie un texte sentimental émouvant, puis des chansons à allusions sensuelles ou sexuelles, mais toujours écrites avec poésie et esthétique plus proche du style de Baudelaire, dont sa chanson « Dis-moi qui t’a appris ».

Je n’oublierai pas son invitation au petit déjeuner dans son appartement au dernier étage d’une vieille et belle maison de l’Ile Saint-Louis à Paris. Ce déjeuner consistait en une cuillère de miel, et une tasse de thé vert. Nous avons pris des photos de ces rencontres. Et lorsqu’il vit ma réprobation de ce petit déjeuner de soufi ascétique, il rit et dit : « Ce n’est qu’à Alexandrie que je prends des fèves et des piments au restaurant Mohammad Ahmed ».

Sa jeune amie brésilienne est venue préparer une tournée musicale en Amérique latine, et quand j’ai vu que leur rencontre prenait une tournure intime, je me suis retiré discrètement. Georges ne manquait jamais l’occasion d’assister à un concert égyptien à Paris . Il y a documentaire émouvant sur l’un de ses voyages de retour à Alexandrie.

La passion de ce poète soufi pour les motos – qui lui a valu des accidents graves – soulevait des questions sur sa personnalité. Peut-être étaient-elle un moyen de séduire les filles ? .l'aspect viril de la passion pour les motos n'est un secretpourpersonne. Georges Moustaki descendait de sa « machine » comme il l’appelait pour réciter des poèmes d’Eluard sur la révolution ainsi que les poèmes d’Aragon disant que la femme est l’avenir de l’homme. Georges adorait la voix de Warda al Jazaïriya . Il a participé à un de ses concerts à Paris. Tandis qu'elle Elle criait de joie et de bonheur de se retrouver dans sa ville natale, Paris, lui, était tranquille comme un moine dans le désert, savourant probablement le bonheur imaginaire de retourner à son Alexandrie natale. En le voyant seul après ce concert avec Warda, je suis allé m’asseoir à côté de lui . Nous avons échangé quelques regards, et je suis allé l’accompagner jusqu’à la sortie. Le moine alexandrin monta sur sa moto et partit à toute vitesse. Ce fut notre dernière rencontre